Paulo David Bernard Garo – De Madère à Lausanne
De Paulo David à Bernard Garo, chronique d’une rencontre improbable dans la minéralité de leurs oeuvres.
Bernard Garo et Paulo David, photo Pascale Campiche
Casa das Mudas, prix Alvar Aalto 2012, photos Bernard Garo, Fernando et Sérgio Guerra
Texte Bruno Angiolini
Tous deux sont des artistes passionnés par la nature, sa force et la brutalité qui façonne notre terre au gré des poussées telluriques. La fragilité de l’homme et de ses constructions apparaît dans l’oeuvre de Bernard Garo, exprimée au travers d’une centaine de toiles, réunies en apothéose de quinze années de travail dans ce lieu magnifique qu’est l’Espace Arlaud à Lausanne. Au travers de son périple aux confins du continent, Alexandrie, Reykjavik, Istanbul et Lisbonne, quatre villes marquées par les dévastations infligées par les forces colossales de la nature, Garo donne à réfléchir sur la fragilité de notre civilisation, instable et friable, condamnée à vivre au bord de l’abîme.
Exposition « Déflagration » et présentation du livre éponyme Espace ARLAUD, Lausanne, jusqu’au 26 mars 2017 http://www.garo.ch
Paulo David est un architecte atypique, philosophe contemplatif de son ile natale de Madère, minuscule émergence d’origine volcanique dans l’immensité de l’Atlantique. Ici, l’océan est à la fois l’horizon et la proximité, omniprésent, brisant son horizontalité sans fin sur les hautes falaises abruptes de basalte noir du Sud de Madère.
Casa das Mudas, photos Bernard Garo, Fernando et Sérgio Guerra
L’architecte aborde l’intégration d’une construction dans le paysage avec une modestie absolue face à cette nature si puissante, ne laissant apparaître un élément construit qu’à l’expresse condition que sa trace, la blessure qu’il inflige dans la topographie, dans les matériaux mêmes, se limite à l’essentiel. Le bâti disparaît dans le paysage environnant, comme s’il avait toujours été là, observant le paysage sans le déranger. La réalisation de «Casa das Mudas Art Centre», qui a valu à Paulo David le prix Alvar Aalto 2012, est emblématique du respect que l’architecte porte au lieu dans lequel il bâtit.
A la rencontre de la verticalité de la montagne, l’horizontalité du paysage se prolongeant sur l’horizon infini de l’océan ne pouvait être brisée par une intervention de l’homme. L’architecte s’est donc appuyé sur cette ligne pour construire «à l’envers», soit en dessous de cet horizon. Le bâtiment n’occupe pas l’espace, il s’y insère sans heurter le paysage formé par le ciel, la terre et l’océan. On ne décèle la construction qu’une fois tout proche de la falaise et l’on aborde la construction par sa toiture, qui en devient sa façade principale.
On pénètre dans cette plateforme minérale qui recouvre le complexe muséal développé sur quatre niveaux et l’on s’arrête avec surprise dans le patio vitré qui révèle l’amplitude jusqu’ ici dissimulée du programme. Les salles d’expositions de différentes tailles sont épurées, simples cubes blancs s’effaçant pour mettre en valeur les arts auxquels elles sont dédiées. Le musée est conçu comme une promenade intérieure, passant d’une salle d’exposition à l’autre, avec des pauses permettant de revenir à la relation avec la mer, vers laquelle toujours le regard se tourne, captant par les ouvertures horizontales les espaces infinis de l’Atlantique et l’authenticité des matières de l’île bordée de rochers et de végétation. Un belvédère qui offre une impression d’être au bout du monde, adossé à la minéralité du basalte et plongé dans le bruit tumultueux de l’océan.
Une première rencontre à Madère, ou Bernard Garo est saisi par la convergence de ses réflexions, de son travail sur la matière, avec les constructions de Paulo David, l’insulaire passionné par la géologie, la formation de ce cône volcanique issu d’une éruption sous-marine à 5’000 mètres sous la ligne d’horizon. Les deux hommes se retrouvent à Lausanne, à l’occasion de l’exposition «Déflagration» et du vernissage du livre éponyme auquel Paulo David à contribué.
Visite de l’exposition «Déflagration», Espace Arlaud Lausanne avec Bernard Garo et Paulo David, photo Pascale Campiche
La maquette d’un projet d’habitation de Paulo David, suite de tranches d’élévations épurées, inspirent à Bernard Garo une oeuvre miroir, représentation d’une déchirure minérale dans la nature, dans la topographie d’un lieu.
Installation maquette Paulo David à l’Espace Arlaud et oeuvre miroir de Bernard Garo, photo Laurent Kobi
Synergie Paulo David et Bernard Garo au f’ar (Forum d’Architectures, Lausanne), photo Bernard Garo
Un autre projet interpelle Garo, un pavillon d’observation construit au sommet de l’ile de Madère, couverte par une forêt à la diversité unique. En partie détruite par le feu, la forêt a laissé place à un paysage lunaire, laissant apparaître le rocher, rendant au territoire son âpreté originelle.
Refuge de Paulo David et oeuvre miroir de Bernard Garo, photo Bernard Garo
La construction d’un abri et d’un observatoire pour les écologistes chargés de redonner vie à ce lieu s’inscrit dans la logique de Paulo David. Il propose une forme pyramidale minimale, forme qui appartient au territoire, comme les matériaux utilisés pour construire, le bois des pins trouvés sur place et qui n’ont pas brûlé, et même jusqu’à la cendre calcinée. L’escalier étroit qui conduit à l’observatoire est une apologie de la lenteur, ce temps nécessaire pour capter le territoire et comprendre le temps, les cicatrices et la fragilité qu’il impose. La synergie générée par cette rencontre entre Peinture et Architecture se conjugue en art majeur, sans limite, certainement pour d’autres projets à venir.
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http://issuu.com/dyodmagazine/docs/dyodmag17
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